Silence, on tourne ! Récit d’un tournage sous-marin aux Galápagos

Dans le cadre de notre travail de fixeur et de support logistique, technique et scientifique pour les projets audiovisuels, nous avons eu le plaisir durant tout le mois d’octobre, d’apporter notre expérience et notre expertise en support journalistique pour la réalisation d’un reportage animalier très prometteur sur le rôle écosystémique de trois espèces de grands requins. Immersion intense aux Galápagos, caméra au poing.

Le requin-baleine (Rhincodon typus) , le plus grand poisson du monde, sera l’un des personnages principaux de la saga naturaliste “Au plus près des requins”, filmée aux Galápagos durant le mois d’octobre 2020.

 

Il y a des projets que rien n’arrête. Celui d’Alex, le producteur de Bonne Pioche, une maison de production audiovisuelle pour la télévision française, a eu le temps de germer doucement dons son esprit. Après plus de deux ans, il a vu enfin le jour sur l’une des terres biologiquement les plus isolées du monde et les plus importantes, en termes de biomasse sous-marine. Les Galápagos devaient bien entendu faire partie des 4 localités de choix sélectionnées à travers le monde pour réaliser la première partie de cette saga naturaliste qui réclamait les images sous-marines les plus exigeantes.

 

Un projet audiovisuel ambitieux

Dan, l’un des caméramans de l’équipe de tournage en pleine prise « mi-eau, mi-air » devant l’arche de Darwin

 

Le scenario est recherché, les moyens techniques monstrueux, la trame complexe et la réalisation sempiternelle. Même si la situation du COVID a pas mal compliqué l’organisation de ce voyage en obligeant à reporter plusieurs fois le tournage depuis le début de la pandémie, cette fois c’est la bonne, ce n’est pas un fichu virus qui va nous arrêter ! Pour mener à bien ce projet audiovisuel ambitieux, une équipe internationale, multidisciplinaire et complémentaire s’envole le 4 octobre 2020 vers les Galápagos. La logistique est sacrement lourde, une tonne de matériel à gérer, sans compter les multiples et complexes équipements de plongée dont les bouteilles d’oxygène et les bidons de chaux pour les recycleurs. Il ne manque que les affaires persos de Daniel Beecham, l’un des deux cameramans sous-marins qui, avec Jean-Charles Granjon plongeront en circuit fermé, sans bulle, pour s’approcher plus facilement et plus près des grands squales afin de maximiser la qualité des prises. Ses affaires nous seront rapportées quelques jours plus tard par un bateau de pêche. En attendant, nous voilà partis pour 21 jours de tournage !

 

L’équipe de plongeurs recycleurs, accompagnée de Javier, notre guide local « rebreather », se dirige vers le théâtre de l’arche de Darwin, l’un des points d’immersion les plus riches en faune sous-marine.

 

Une biomasse sous-marine unique au monde

Les îles septentrionales de Darwin et Wolf, seront les premiers sites de tournage et le décor principal de cette histoire naturelle émouvante, où deux des plus emblématiques requins du monde, deviendront nos héros. Les concentrations de requins-baleines et de requins-marteaux halicornes sont, dans ces eaux tempérées, présents dans des concentrations hors du commun. Une biomasse sous-marine hors normes, baignée par des eaux tropicales tempérées, procurant un décor idéal pour filmer de nombreuses interactions entre ces squales et le reste de la faune marine. Les requins des Galápagos seront également présents en grand nombre, venant même à devenir inquiétants. Lorsque 7, 8 ou 9 de ces requins de moyennes tailles commencent à tourner autour de vous, il est difficile de lutter contre les préjugés inculqués par plus de 40 ans de films frelatés et de reportages sensationnalistes inventés et surfaits ! Le but premier de ce que nous sommes venus filmer ici est justement de démystifier cette relation altérée entre le requin et nous et de tenter d’aider à dissoudre l’appréhension de l’homme sur ces créatures souvent incomprises et décimées à tort.

 

La biomasse présente dans les eaux tempérées des îles septentrionales de Darwin et Wolf, au nord de l’archipel des Galápagos, est tout simplement hallucinante.

 

Les courants contraires pour rallier l’île de Wolf nous feront perdre pas mal de temps, mais la longue traversée sera agrémentée de belles observations d’oiseaux pélagiques et endémiques dont le Pétrel et le Puffin des Galápagos, ainsi que de nombreuses espèces d’océanites. Plus tard un groupe de 8 globicéphales noirs croisera notre chemin. À bord de notre bateau de plongée spécialement affrété pour le tournage, l’itinéraire autorisé par le parc national Galápagos nous fera aller et venir entre les îles de Darwin et Wolf, nous permettant ainsi de maximiser les prises sous-marines. Les phases de lunes, les marées ainsi que les masses de courant océaniques peuvent altérer considérablement les concentrations de squales et autres grands poissons pélagiques. Nous croiserons de grands bancs de barracudas, de thons, de carangues, de bonites, mais aussi de nombreuses tortues vertes, dont la sous-espèce présente aux Galápagos est endémique.

 

Les dauphins tursiops nous accompagneront presque tous les jours, surtout pendant les journées de navigation entre les deux îles, en jouant sous l’étrave de notre bateau, le seul qu’ils aient vu probablement depuis plusieurs mois.

 

Une faune exceptionnelle, mais pas que sous l’eau

Hors de l’eau, les parois basaltiques de ces deux îles volcaniques isolées du reste de l’archipel, géologiquement, géographiquement et aussi temporellement, sont une aubaine pour un grand nombre d’oiseaux pélagiques. Les colonies de fous à pieds rouges et de fous de Nazca sont probablement les plus importantes de tout l’archipel. Plusieurs dizaines de milliers d’individus de ces deux espèces de Sulidae occupent le moindre recoin de ces îles arides blanchies par leurs propres déjections. Au milieu des innombrables nids, un intrus rode à la recherche de sources d’alimentation inusuelles. Le pinson vampire (Geospiza septentrionalis), endémique de ces deux îles, s’est spécialisé dans une diète hématophage peu commune chez les oiseaux. Durant l’époque sèche, ce passereau au bec très pointu, se met à harceler les fous au nid, leur piquant le croupion jusqu’au saignement afin de s’alimenter de leur sang. Un comportement actuellement étudié minutieusement par une équipe de chercheurs du Galápagos Science Center afin de connaître les possibles adaptations qu’auraient pu entraîner ce comportement unique chez les pinsons de Darwin. L’isolement de Darwin et Wolf a également poussé d’autres espèces typiques des Galápagos à une spéciation encore plus restreinte. La tourterelle des Galápagos, le géospize à gros bec et le moqueur des Galápagos présents ici, sont probablement des espèces nouvelles pour la science mais encore une fois, l’éloignement de ces lieux sublimes rend difficile l’accès aux équipes de scientifiques.

 

Des espèce encore peu étudiées

Revenons à nos moutons, sur l’eau. Le manège entre les deux zodiacs, les équipes de plongeurs recycleurs (rebreather) et de bouteille classique (circuits ouverts) alterneront avec les plongées en free diving (apnée) que Frederic Buyle dirigera. Ce triple champion du monde grâce à ses capacités de plongeur apnéiste, s’est spécialisé dans l’approche des grands squales, dans le but de marquage à finalité scientifique. Sa vaste connaissance des océans et de leurs espèces les plus emblématiques est mise à profit par de nombreux projets de suivi de la faune sous-marine et en particulier des requins, placés malheureusement sur le devant de la liste des espèces sous-marines les plus critiques.

 

Frederick Buyle, coordonne la prochaine plongée en free diving pour tenter de taguer un requin-marteau. Ce système de suivi permet de mieux connaître le comportement de ces grands requins pélagiques.

 

Les fonds sous-marins de la bordure est de l’arche de Darwin sont connus sous le nom de théâtre. C’est ici que nous réaliserons la majorité des immersions et des prises en 8K. Les courants, ici souvent très forts, apportent une grande quantité de nutriments. Même si la nécessité première des grands squales ici présents, n’est pas de s’alimenter, leur présence est absolument inouïe. Tous nos sens sont sollicités, il faut se concentrer pour ne pas être distrait par le passage d’un groupe de requins Galápagos au milieu d’une école de requins-marteaux. Lorsque le courant s’amenuise, nous décidons de rester immobiles, assis sur les « gradins » basaltiques du théâtre, afin d’attendre le passage du plus grand poisson du monde. Ce sont quelques fois un, deux, voire sept individus qui passeront devant notre objectif. Comme sortie du néant, l’imposante masse à la peau constellée se déplace stoïquement dans le courant, tel un bus ou plutôt, un train… Il est difficile de décrire la rencontre avec un animal d’une telle envergure, respirant la paix, inondant de sa présence le bleu de l’océan. Je me rappelle encore la sensation de chair de poule, malgré la combinaison néoprène.

 

Les caméramans aux aguets.

 

Après 15 jours de croisière il sera temps de lever l’ancre et de faire route vers le sud de l’archipel. Cette nuit-là, une trentaine de mouettes à queue fourchue, nous accompagneront un moment. Les lumières du bateau illuminant la surface de l’eau facilitent le travail de pêche de cette mouette strictement nocturne qui guette les calamars qui durant la nuit remontent depuis les eaux profondes. Ce ballet aérien, agrémenté d’un cliquetis aux allures d’écholocalisation marquera la fin de la première partie du tournage. Le reste de la croisière sera long mais agrémenté de belles rencontres : Albatros des Galápagos, Frégates Magnifiques, Puffins de Parkinson et Puffins fouquet.

 

L’albatros des Galápagos est un nicheur endémique d’Equateur, présent surtout entre mars et décembre dans les eaux riches de l’archipel.

 

La nurserie de requins marteaux de Puerto Grande

La deuxième partie du reportage se déroulera autour de l’île occidentale de San Cristobal, l’une des quatre îles habitées de l’archipel des Galápagos et parmi les plus anciennes, géologiquement parlant. Sur les côtes sud-ouest de l’île, une nurserie de requins-marteaux a été découverte il y a un an et demi para une équipe de scientifiques du Galápagos Science Center. Il existe très peu d’images de bébés requins-marteaux car très peu de localités sont connues des scientifiques. Accompagnés de pécheurs locaux nous suivrons Diana Pazmiño sur les mangroves de Puerto Grande pour tenter de déceler cette nouvelle énigme insulaire. Très tôt le matin, grâce à des filets, l’équipe de scientifiques encercle les jeunes requins-marteaux pour pouvoir les manipuler et recueillir ainsi les données biométriques qui leur seront de grande utilité pour mieux comprendre le modèle de croissance de ces fascinants poissons.

 

 

Le cycle de reproduction de ces espèces protégées est très peu connu des scientifiques. Les manipulations de ces jeunes requins-marteaux halicornes doivent se faire en temps record pour ne pas stresser l’animal et ne pas compromettre sa croissance.

 

Les innombrables immersions des caméramans rempliront au bout du compte presque 40 terra de mémoire. Toutes ces images seront prochainement montées avec d’autres prises réalisées en Australie, en Afrique du sud et au Mexique. Soyez patients, le résultat final devrait arriver sur vos écrans d’ici deux ans !!

 

Le rocher de tuf de Leon dormido sera une des nombreuses autres localités de tournage de l’équipe de Bonne Pioche production. Situé à quelques milles des côtes sud-ouest de l’île de San Cristobal, ce magnifique décor offre de belles opportunités de plongées et de réalisation de scènes de paysages et de transition.

 

[MàJ] – Documentaire diffusé sur France 2 le 1er novembre 2022

Après près de 4 ans de tournage autour du monde, Bonne Pioche nous a finalement annoncé une bonne nouvelle : ce documentaire exceptionnel sera diffusé le 1er novembre 2022 sur la chaine France 2. Un rendez-vous sous-marin à ne manquer sous aucun prétexte.

Ne manquez pas le reportage “Au plus près des requins” sur France 2

 

Par Xavier Amigo, votre fixeur local aux Galápagos et en Equateur

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